Kedma Joseph détient une maîtrise en communication publique avec une spécialité en communication internationale et interculturelle de l’Université Laval à Québec et une licence en communication sociale de l’Université d’État d’Haïti. Elle travaille depuis huit (8) ans comme cadre en communication dans l’administration publique haïtienne. Kedma Joseph est assistant professeur à l’Université d’État d’Haïti et s’intéresse à la communication pour le développement, notamment dans les domaines de la santé et de la culture, et aux approches participatives et communautaires. Elle coordonne Savoirs pour tous (SPOT) – Konesans pou tout moun, la boutique de sciences de Port-au-Prince.
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Jou ki te mekredi 2 mas 2016 la, INUFOCAD lanse Konesans pou tout moun, (Savoirs Pour Tous, nan lang franse), yon pwojè ki vle fè yon men kontre ant inivesite ak sosyete sivil ayisyèn lan. Konesans pou tout moun la pou ede òganizasyon lokal yo jwen konesans syantifik ak pratik yo bezwen pou yo byen fonksyone epi fè travay yo nan kominote kote yo ap evolye. Pou li ranpli misyon sa a, Konesans pou tout moun ap travay avèk pwofesè ak etidyan ki enterese rann kominote yo sèvis nan jwenn bonjan konnesans k’ap pèmèt yo avanse sou chimen devlopman.
Le 2 mars 2016 a été lancée en Haïti la première boutique de sciences de Port-au-Prince, baptisée Savoirs Pour Tous (SPOT)- Konesans pou tout moun.
Ont pris part à la cérémonie de lancement des représentants d’organisations locales, des étudiantes et étudiants, le corps professoral de l’Institut Universitaire de Formation des Cadres (INUFOCAD) et quelques membres de son Conseil : Professeur Vernet Larose, Madame Nicole Muller César et Professeur Vijonet Déméro.
L’événement s’est déroulé en présence de supporteur-e-s venu-e-s de Québec et d’Afrique: Prof. Florence Piron de l’Université Laval et du projet Science Ouverte en Haïti et en Afrique francophone (SOHA), Sophie Dibounje Madiba du CERDOTOLA (Cameroun), Jean-Marie Tremblay des Classiques des sciences sociales, Émilie Tremblay de l’UQAM et du projet SOHA et Pascal Touoyem de l’Université Catholique d’Afrique centrale.
À l’occasion, les responsables de Savoirs Pour Tous (SPOT) ont reçu des mains de professeure Florence Piron une plaque de la part d’Accès Savoirs, la boutique de sciences de l’Université Laval.
Qu’est-ce qu’une « Boutique de sciences » ?
Professeure Florence Piron, instigatrice du projet, prenant la parole en la circonstance, a expliqué qu’une boutique de sciences est un outil de développement durable local, c’est-à-dire basé sur les valeurs locales et les priorités définies par la communauté.
Haïti fait partie de ces pays qui prônent le développement durable. Les actions menées à date en ce sens sont minimes et éparses et s’inscrivent généralement dans une approche économique ou environnementale de la question. Mais le développement durable passe aussi par la valorisation des savoirs locaux et du rôle à jouer par les détenteurs et détentrices de ces savoirs. Pour Florence Piron, l’idée même de boutique de sciences repose sur le respect des savoirs et de la capacité des acteurs des associations de contribuer à la réflexion collective sur le développement durable souhaité et possible localement.
En tant qu’outil de développement durable, le concept de boutique de sciences est bienvenu en Haïti. En plus d’être novateur, il est prometteur. Néanmoins, une question s’impose : comment le rendre opérationnel dans le contexte culturel haïtien?
Rapprocher l’Université de la société civile
Initiée en partenariat avec l’Université Laval à Québec, la boutique de sciences SPOT, projet porté par l’Institut Universitaire de Formation des Cadres (INUFOCAD), vise à rapprocher le milieu universitaire de la société civile haïtienne.
Il existe déjà en Haïti des initiatives entreprises par certaines facultés et groupes d’étudiants dans le domaine du développement durable. Mais elles restent généralement dans les limites de l’espace universitaire. Ce qui fait que SPOT est unique en son genre est que c’est la première fois qu’une structure rattachée à l’Université veut aller à la rencontre des organisations locales dans leur quête de savoirs.
En effet, nombreuses sont les organisations communautaires, sociales et ecclésiales ne disposant pas de compétences ou de fonds pour payer les services d’un expert ou d’un consultant. Aussi SPOT cible-t-elle particulièrement les organisations ayant peu de ressources ou pas du tout et leur propose la contribution d’étudiants et d’étudiantes à la réalisation concrète de projets qui leur tiennent à coeur ou qui les aiderait à accomplir leur mission. Il existe des dispositifs similaires dans d’autres pays, notamment en Europe du Nord : les science shops, déjà à l’œuvre depuis parfois les années 1970.
SPOT a pour objectif de répondre aux besoins de connaissances scientifiques et pratiques de ces organisations grâce à des travaux d’étudiants et étudiantes supervisés par des professeur-e-s, en remplacement des examens habituels. Les thématiques que traitera SPOT sont diverses : éducation, santé, environnement ou encore économie sociale et solidaire. Ainsi, SPOT compte contribuer à faire naître une science œuvrant au bénéfice de tous et réduire le fossé qui sépare la science et l’université de la société civile haïtienne.
Comme dans toute société, on trouve dans la société haïtienne des savoirs scientifiques et des savoirs traditionnels, des personnes qui savent lire et écrire et des personnes qui ne le savent pas. Nous avons aussi une société où les universitaires détenant des savoirs scientifiques se croient généralement supérieurs aux acteurs locaux qui n’ont que les savoirs traditionnels. Ceux-ci, de leur côté, sont souvent fermés sur eux-mêmes, se croyant inférieurs. Cet écart entre les milieux universitaire et de la société civile étant d’ordre culturel, il est possible et souhaitable d’agir sur les mentalités et les comportements. Mais ce n’est pas facile ni simple. C’est pourquoi connecter les recherches scientifiques avec les besoins des organisations, ou faire rencontrer des universitaires avec des acteurs locaux, n’est pas une bataille gagnée d’avance.
Quelques pistes pour y arriver
En tant qu’outil de développement durable, SPOT est un pilier de la science ouverte. Elle devra faire vaciller la tour d’ivoire qui sépare les universitaires haïtiens du reste de la population du pays, en prônant le respect de tous les savoirs humains, qu’ils viennent de l’Université ou des communautés, même celles les plus reculées de la société haïtienne. Orientée vers l’idéal du travail collaboratif, SPOT devra aussi développer chez les étudiants, étudiantes et chercheurs du futur, le désir et la volonté de s’ouvrir aux savoirs traditionnels au lieu de les mépriser ou de les ignorer, en encourageant la contribution des détenteurs de ces savoirs aux travaux scientifiques ou pratiques qu’elle aura à réaliser.
Cette manière de faire le pont entre l’université et la société civile est une pratique nouvelle en Haïti. La nouveauté n’inspire pas toujours confiance. La conception est telle que toute nouvelle initiative se doit de faire ses preuves avant de bénéficier d’attention et de crédibilité. Aussi, SPOT devra informer sur son rôle et sa mission, les avantages d’une telle démarche pour les différentes parties prenantes et la société haïtienne en général. Elle devra également aller à la rencontre des organisations locales en assurant des pratiques d’échanges justes et équitables, tel que le préconise le processus de développement durable, afin de faciliter la collaboration de l’Université avec la société civile.
En ce sens, SPOT inaugurera une nouvelle approche de développement durable en Haïti. Elle réinvente la mission service à la communauté de l’Université en proposant un autre rapport de celle-ci avec la société civile, inscrit dans le modèle bi-directionnel science – société et basé sur une approche bottom-up.
Déjà trois projets
Depuis octobre 2015, SPOT travaille sur un mandat de production d’un « Document de référence pour l’amélioration de la qualité de la correspondance des enfants » pour des églises partenaires de Compassion internationale-Haïti. Ce document est destiné à l’apprentissage de l’écriture et la production écrite de 95 milles enfants défavorisés issus de 288 églises. Ce document bénéficie du concours des étudiants du cours Élaboration et développement de matériels didactiques qui mettent à profit leurs connaissances en la matière tout en développant leurs compétences professionnelles.
Un deuxième mandat que devra réaliser SPOT est l’ »Accompagnement des écoles défavorisées dans le processus d’octroi de leur licence de fonctionnement ». Ce mandat bénéficiera des connaissances et compétences des étudiantes et étudiants du cours Législation scolaire.
Finalement, SPOT travaillera à la conception d’un plan de marketing » pour une institution de service. Ce mandat sera réalisé avec le concours des étudiantes et étudiants du cours Marketing.
Afin de répondre à d’autres demandes, nous accueillerons à bras ouverts toutes les offres de collaboration de la part de professeurs ou d’étudiants et étudiantes qui veulent tester avec nous ce dispositif.
Pour plus d’information sur SPOT, écrire à : savoirspourtous2016@gmail.com ou téléphoner à : (509) 48 92 52 57 / (509) 37 78 66 89 .
Le site web est en cours de fabrication.