Le REJEBECSS-Haïti poursuit sa course dans la lutte contre les injustices cognitives

Auteur : Rency Inson Michel

Rency Inson Michel a ouvert les yeux à la lumière à la Grande Rivière du Nord, une commune du nord d’Haïti. C’est là qu’il a fait ses études primaires et secondaires avec brio. Aîné d’une famille de cinq enfants, Rency Inson est détenteur d’un diplôme de DELF, de certificats de formation dans divers domaines tels la communication, le leadership et gestion de ressources… et de surcroit des certificats d’honneur et mérite pour des séances de formation qu’il a animées. Âgé aujourd’hui de 25 ans, Rency Inson est sur le point de boucler le cycle de formation en sociologie qu’il suit depuis octobre 2012 à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’État d’Haïti. Très passionné par la recherche, il souhaite poursuivre sa formation universitaire jusqu’au niveau du doctorat et parvenir à se tailler une place de choix  dans le monde scientifique.

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À l’invitation du Réseau des Jeunes Bénévoles des Classiques des Sciences Sociales en Haïti (REJEBECSS-Haïti), une centaine d’étudiants et étudiantes haïtiens ont accueilli Florence Piron, dans l’après-midi du samedi 11 mars 2017, à l’auditorium de IERAH-ISERSS en vue d’un dialogue autour des enjeux épistémologiques, méthodologiques, politiques, sociaux et numériques de la recherche scientifique dans les pays des Suds. Notons que Florence Piron, féministe de gauche, éthicienne et anthropologue, est professeure titulaire au département d’information et de communication de l’Université Laval et directrice du projet SOHA (Science Ouverte en Haïti et en Afrique francophone).

Cet événement était un rendez-vous épistémique s’inscrivant dans la démarche épistémologique et politique de recherche-action proposée par le projet SOHA qui consiste à dénoncer et à combattre les difficultés qu’affrontent les étudiants et étudiantes des Suds pour mettre à l’œuvre leurs talents intellectuels, leurs savoirs et leurs capacités de recherche scientifique en vue d’une contribution réelle au développement de leur pays respectif. Le projet SOHA, qui considère ces difficultés comme des injustices cognitives, regroupe des centaines de chercheurs, étudiants et professeurs d’Haïti et d’Afrique autour de ce qu’ils appellent une utopie concrète. Cette utopie passe par une lutte systématique pour l’édification de la justice cognitive dans le monde.

L’utilité de cette rencontre est avérée. Elle a éclairé le public sur l’essence et le nombre croissant des injustices cognitives qui, concrètement, affectent les pays des Suds et les empêchent de connaitre un réel développement local. Elle renseigne sur la vision alternative qu’incarne la science ouverte juste, « une nouvelle façon de construire et de diffuser le savoir scientifique. Une science qui s’ouvre aux savoirs non scientifiques. Une science qui s’ouvre à la contribution des non-scientifiques. Une science qui donne accès à ses textes. Une science qui rejette la tour d’ivoire (la science sur elle-même). Une science qui vise le respect des autres savoirs. » De surcroit, Florence a su expliciter une conception philosophique alternative au positivisme. Il s’agit du constructivisme. Par une métaphore autant pertinente que percutante, elle a illustré les lacunes du positivisme pour les Suds. En voici la teneur : «  la science positiviste qu’on enseigne dans les pays des Suds, c’est comme les manteaux d’hiver que l’on met au Nord, comme au Québec par exemple, quand il fait très froid. Au Sud, c’est comme s’ils disent que la seule bonne façon de vivre (de penser, de faire de la recherche), c’est de mettre ces manteaux. » Elle propose plutôt que les chercheurs et chercheuses des Suds s’inventent leur propre manteau. Elle les invite à construire leur propre épistémologie, une épistémologie adaptée au contexte local.

Les questions du public ont porté sur la problématique du rapport entre savoir moderne et savoir traditionnel (complémentarité ou rivalité ?), sur les enjeux de la globalisation par rapport à la science, sur les enjeux téléologiques de l’ouverture de la science sur les savoirs non scientifiques. Un étudiant a fait un commentaire invitant à être critique face à la pensée décoloniale et aux théories post-modernes puisque leurs auteurs issus des Suds travaillent ensuite du haut des universités nord-américaines. Des commentaires ont touché la problématique de l’usage du créole par les scientifiques et celle du mouvement du libre accès, Certains désaccords ont été exprimés brillamment mais non sans révérence par quelques-uns des étudiants présents.

La rencontre s’est achevée par une mise au point importante sur une question relative à l’avenir du projet SOHA qui se terminera dans quelques mois. Florence a donné la réponse : pour prendre le relais du projet SOHA, une association est née. Elle s’appelle l’APSOHA : Association pour la promotion de la science ouverte en Haïti et en Afrique. Pour en devenir membre, il faut s’inscrire dans ce formulaire ou écrire à equipe@projetsoha.org.

Le REJEBECSS-Haïti célébrera le 29 mars prochain sa première année d’existence. C’est une association de jeunes universitaires haïtiens qui s’engagent en vue d’une contribution concrète à la lutte pour le libre accès aux savoirs scientifiques. L’une des plus grandes ambitions qui gouverne ces jeunes universitaires d’Haïti consiste en la création d’une salle de travail bien équipée pour leur permettre de mieux contribuer à la diffusion en libre accès sur le site des Classiques des Sciences Sociales des œuvres d’intellectuels haïtiens en sciences sociales et humaines, aussi bien des œuvres du domaine public en Haïti que des œuvres contemporaines avec l’autorisation de leur auteur.

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