Bruce Cédric est sociologue du développement/ coop. déc, auditeur en management de Projet à l’Université SENGHOR de la Francophonie à Alexandrie. Il utilise dans ses recherches la méthodologie Recherche-Action-Participative (R.A.P) proposée par le réseau africain RAP qui fait la promotion de la recherche-action, notamment en proposant un Guide méthodologique et des fiches présentant chaque étape d’une recherche-action.
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Je voudrais, dans ce billet qui présente mon projet de recherche, faire un plaidoyer en faveur du recours à la recherche-action participative pour aider à développer de meilleures conditions de travail pour les femmes dans la filière rizicole au Sénégal et faire croître cette filière.
La filière rizicole est devenue (au lendemain de la crise de 2008) un facteur déterminant dans les agendas politiques des États d’Afrique subsaharienne comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal.
Cette céréale à forte consommation tend en effet à rendre déficitaires leurs balances commerciales.
En développant la riziculture, ces pays réduiront l’importation de riz qui plombe leur économie et aideront les acteurs de cette filière à augmenter leur rendement, car comme les subventions accordées ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins sociaux, ces acteurs risquent d’abandonner s’ils n’y trouvent pas leur compte.
L’analyse de ces difficultés dans la chaîne de production et de rendement de la riziculture m’a donné l’idée de réfléchir à la place des femmes dans l’agriculture rizicole et à utiliser la méthode de la recherche-action participative pour les impliquer dans le développement de la filière riz au Sénégal.
Tout comme les acteurs masculins de la filière rizicole, les femmes sénégalaises ont bien compris l’enjeu de contribuer au développement de cette filière. En effet, en dehors de la marmite de cuisson, cette brave main armée de la famille sénégalaise participe énormément aussi bien à la production, à la transformation qu’à la commercialisation du riz de la vallée du fleuve Sénégal.
Je ne pourrai me taire face à ce que ces femmes éprouvent comme diffcultés dans la pratique de la riziculture, surtout dans le secteur de la transformation. Mais animées par une volonté ferme de participer au développement économique territorial, elles se constituent en réseaux de partage et de conviction pour transformer l’exploitation familiale. Comment font-elles? C’est l’objet de mon projet de recherche.
Partons des contraintes qu’elles subissent et que j’ai observées en faisant du terrain dans la vallée du fleuve Sénégal, plus précisément dans les zones d’interventions de la SAED (Société Nationale d’Aménagement et d’Exploitation des Terres du Delta du Fleuve Sénégal et des Vallées du Fleuve Sénégal et de la Falémé (Délégations de Dagana, Podor et Matam) :
– N’ayant pas accès au foncier, elles doivent parvenir à exploiter la terre de leurs défunts maris ou louer des terres pour l’exploitation rizicole.
– Des institutions financières et des prestataires de services (vendeurs d’engrais, assurance agricoles) les côtoient au tout début et leur font miroiter des possibilités, mais quand l’engagement et la demande deviennent de mise, les règles du jeu changent complètement pour elles.
– Les femmes doivent affronter des routes impraticables pour faire sortir ou acheter le paddy et pour sa transformation en vue de sa commmercialisation.
– En raison de leurs lacunes en comptabilité, leurs comptes d’exploitations ne mesurent pas tout le temps fourni à leur lourde tâche et elles ne font qu’estimer les coûts de dépenses liés à l’achat, au transport et ensuite à la vente du produit.
– Elles reconnaissent le manque de norme qualité, car elles travaillent toujours avec des décortiqueuses artisanales qui occupent une bonne part de la transformation du riz de la vallée.
Oh que cette liste peut-être longue, mais arrêtons-la ici pour l’instant.
Des acteurs de la société civile, notamment des associations locales, tentent de faire appel à des O.N.G nationales pour qu’elles accompagnent ces rizicultrices et rendent leur travail moins pénible. Grâce à cette aide, les femmes rizicultrices ont comme ambition l’amélioration de leurs produits selon la norme qualité afin d’être compétitives sur le marché. Elles veulent avoir le label dans l’emballage afin d’aller vers le marché des foires de l’agriculture, une façon d’étendre leur réseau de commercialisation. Elles désirent se rapprocher de l’offre de crédit que l’État a mis en place depuis sa décision de l’atteinte de l’autosuffisance en riz. Ces femmes sont résolues à faire croître leurs revenus pour pouvoir payer la main d’oeuvre nécessaire. Elles veulent ainsi contribuer au développement socio-économique du territoire, lutter pour la résilience du territoire et faire face aux enjeux des changements climatiques mais aussi de l’innovation dans les pratiques.
Comment les soutenir? Mon projet vise à identifier un groupe de femmes rizicultrices et à travailler avec elles pour faire émerger de commun accord une stratégie co-construite pour trouver des solutions à leurs difficultés.