Auteur : Patrick Komla Noamesi ALOVOR, Togo
Patrick est professeur de philosophie à Institut Micro-Plus Lomé-TOGO et président de l’association VOD-TOGO (Volontaires Optimistes pour le Développement au Togo). Pour le joindre : patrickalovor@gmail.com
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Je suis professeur de philosophie. La réalité dans notre pays est que les bibliothèques manquent cruellement et cela rend difficile les travaux de recherche tant pour les enseignants que pour les élèves et les étudiants.
Adanudemonutinyanya ana miazu ablodeviwo le Togo (La connaissance de l’informatique fera de nous des gens indépendants au Togo – En Ewé)
L’importance d’internet pour la science ouverte
Il arrive que je travaille avec les étudiants en philosophie, en sociologie, en anthropologie et ceux inscrits en brevet de technicien supérieur (BTS). L’internet nous sauve beaucoup ; surtout Google et Wikipédia. Avec ce moteur de recherche et cette encyclopédie, j’ai travaillé de janvier à avril 2015 avec une étudiante qui a fait son dossier de culture professionnelle en communication des entreprises. Celle-ci était en deuxième année en communication des entreprises. À part les visites d’entreprises qui ont été faites et guidées par ses profs et les responsables des entreprises visitées, la grande partie des travaux a été faite avec moi qui suis prof de philosophie et qui n’avais pas une grande connaissance de ce domaine. Mais je vous assure que son travail a été accepté et approuvé. Elle a réussi et m’a envoyé un SMS pour me confirmer sa réussite. Ce qui me prouve que la science ouverte est une grande opportunité pour s’ouvrir à toute forme de connaissance. Grâce à internet, nous pouvons mieux faire de nos jours et nous n’avons aucune raison de trop nous plaindre. Pour outiller mes élèves et les étudiants qui m’abordent pour des questions d’explication ou de recherche, je recommande vivement depuis un certain temps Google et Wikipédia. Je reconnais leur importance et je n’ai aucun complexe, aucune gêne à dire ça. Dans la classe de terminale A4 ou L à l’Institut Micro-Plus où j’enseigne, des élèves ont compris et à partir de leur portable doté de connexion, ils téléchargent et enregistrent des œuvres que je cite avec précision dans mes cours de philosophie.
Un groupe de travail communautaire en philosophie
Pour mieux guider et aider mes élèves, je les encourage et j’ai, de concert avec certains d’entre eux et avec des élèves fréquentant d’autres lycées de Lomé au Togo, décidé de créer un groupe de travail sérieux en philosophie afin de mieux leur permettre de comprendre la chose philosophique pour leur propre réussite en classe, au baccalauréat et aussi dans la vie. Ce groupe travaillera tous les mardis et jeudis de 16 heures à 18 heures non loin de notre école ; le travail consistera à réexpliquer tous les cours ainsi qu’à traiter les sujets de dissertation et de commentaire de texte philosophique. Les travaux de recherche prendront également une part importante dans nos activités. Nous débuterons le 17 novembre 2015 et nous terminerons à la veille du baccalauréat, en juin 2016. Nous mobilisons tous les élèves à prendre part à ce grand rendez-vous d’échange en philosophie et déjà, grâce au bouche-à-oreille et à quelques annonces sur mon compte Twitter, je vois que ça marche et que ça marchera ; les élèves m’ont dit qu’il se peut que tout soit dans de bonnes conditions avant cette date.
Apprendre à faire des recherches sur internet et à développer ses compétences numériques
Mon ambition est de travailler avec les élèves et les étudiants togolais qui le souhaitent pour les aider à se familiariser avec la recherche sur internet, notamment sur Google et Wikipédia. Dans nos villes et villages reculés de la capitale, je souhaite que les collègues profs puissent faire de même. Dans cette perspective, je commencerai par contacter tous les collègues enseignants que je connais dans notre pays afin que ceux-ci incitent les élèves à comprendre l’importance d’internet dans l’apprentissage de la connaissance afin que le principe de justice cognitive soit respecté partout dans le pays. Il est vrai que l’informatique n’est pas très développée au Togo comme cela se doit, mais je compte faire avec le peu que nous avons, tout en étant optimiste que le développement des technologies de l’information et de la communication sera une réalité dans notre magnifique petit pays.
Les actions de VOD-TOGO et la valorisation de différentes formes de connaissance
Avec notre association VOD-TOGO, Volontaires Optimistes pour le Développement au Togo, nous comptons dans les années à venir trouver des financements pour implanter des cybercafés dans les villes et villages qui ont peu accès à internet. Nous sommes sûrs que nous pouvons vaincre l’ignorance avec un meilleur accès à la connaissance, à l’informatique et à internet dans un esprit de sagesse. Il peut être créé également un grand réseau de partage de connaissances de toutes sortes afin de donner à tous et toutes l’opportunité de s’exprimer pour participer à la construction efficace et plurielle du savoir. L’intelligence et la connaissance ne sont pas réservées aux seuls intellectuels ; nous donnerons la parole à tout le monde pour construire ou créer ce qu’on peut appeler l’intellectualisme communautaire. Un intellectuel communautaire, c’est quelqu’un qui n’a pas forcément fréquenté l’université, mais qui, en raison de son expérience et de sa connaissance des choses de la vie, dispose de connaissances théoriques et/ou pratiques. J’aimerais parler ici par exemple des herboristes, des cultivateurs, des tradithérapeutes, des commerçantes et commerçants, des menuisiers, des maçons, des électriciens, des plombiers, des couturiers et couturières, des forgerons, des musiciens traditionnels, des maîtres de cérémonie, etc. qui n’ont pas beaucoup fréquenté ou qui n’ont pas fréquenté du tout l’école ou l’université, mais qui démontrent leur génie de différente façon. L’étudiant intellectuel ou l’élève intellectuel s’efface alors et nous avons seulement des acteurs qui réalisent et se réalisent. Plus de discrimination, de complexe de supériorité ou d’infériorité, d’orgueil des uns à l’aune des autres.
Des outils informatiques dans différentes langues pour favoriser l’accès à différentes formes de connaissance
On peut me demander comment le monde non intellectuel peut accéder à Wikipédia ou encore à Google pour connaître et effectuer des recherches. La réponse est simple. Nos langues locales ont de la valeur et on doit les valoriser. Il suffit de traduire ce qu’on dit en langue étrangère en langue locale pour que ça marche. Google existe déjà en éwé, la langue parlée par 22 % de personnes au Togo sur les 50 et même plus d’ethnies existantes. J’apprécie toujours bien les tradithérapeutes qui viennent enseigner aux populations la médecine traditionnelle et ce qu’il faut pour guérir les maladies physiques et spirituelles. J’apprécie aussi les maîtres spirituels qui nous enseignent souvent, mais ceux-ci ne sont pas visibles lorsqu’on effectue des recherches dans Google ou dans Wikipédia. À long terme, des travaux doivent se faire pour les rendre plus visibles sur internet. C’est un vœu ardent que j’ai d’élargir tous les jours nos connaissances dans les différentes dimensions qu’elles présentent ou se présentent à nous. Nous avons donc des profs intellectuels et d’autres profs non-intellectuels de même que des élèves, des étudiants et des apprenants intellectuels et non-intellectuels qui doivent se compléter aussi souvent que nécessaire et autant que faire se peut.